Le projet METAGLIO – Interview du Dr Maxime FONTANILLES
Le Dr Maxime Fontanilles est oncologue, maître de conférences des universités, praticien hospitalier à l’Hôpital Jacques Monod, centre hospitalier du Havre-Montivilliers, et au Centre de lutte contre le cancer Henri-Becquerel de Rouen, et membre de l’unité INSERM UMR 1245 Cancer and Brain Genomics, équipe 2 groupe IRON de Rouen.
Son projet de recherche intitulé « Métaglio » et soutenu par l’ARTC consiste à étudier l’apport des profils métabolomiques et protéomiques plasmatiques couplés à la cinétique d’ADN libre circulant pour le suivi des patients atteints d’un glioblastome non opéré traités par radiothérapie et témozolomide.
Dans quel contexte s’inscrit le projet Métaglio ?
Le projet Métaglio repose sur un concept appelé « biopsie liquide » qui s’est beaucoup développé ces dernières années en cancérologie. Son principe repose sur la capacité de détecter un cancer en analysant des liquides biologiques ou fluides physiologiques des patients, en pratique le plus souvent dans le sang et son dérivé le plasma (liquide dans lequel baignent les cellules sanguines). Cet examen est donc moins lourd qu’une intervention comme une biopsie directe ou une résection chirurgicale de la tumeur. La biopsie liquide est aujourd’hui souvent utilisée pour les cancers situés en dehors du système nerveux central, dans la pratique courante et en recherche. Malheureusement pour les patients atteints d’un gliome cérébral, c’est plus compliqué car les prélèvements sanguins sont moins informatifs et la concentration d’éléments tumoraux provenant du cerveau dans le plasma est très faible. Pour une tumeur cérébrale, le liquide céphalo-rachidien, dans lequel baigne le cerveau, serait un autre fluide plus rentable à analyser que le sang mais il nécessite une ponction lombaire qu’il n’est pas toujours facile de pratiquer.
Que détecte-t-on dans les biopsies liquides ?
Il peut s’agir de cellules tumorales circulantes qui se sont détachées de la tumeur et qui ont été emportées dans la circulation sanguine, mais aussi de l’ADN ou de l’ARN ou des protéines tumorales circulantes échappées de la tumeur. Nous nous intéressons plus particulièrement aux protéines qui sont plus stables dans le sang et donc plus facilement détectables que l’ADN ou l’ARN. Des avancées technologiques récentes par l’utilisation d’un appareil de spectrométrie de masse ont permis la détection simultanée de plusieurs milliers de protéines impliquées dans le développement des cancers, et certaines protéines sont plus spécifiques à certains cancers qu’à d’autres. Concernant les patients atteints d’un glioblastome, l’équipe de biochimie métabolique du Pr Bekri à Rouen a montré qu’elle était en mesure de distinguer les patients atteints d’un glioblastome des patients souffrant d’autres pathologies, à partir de l’analyse des protéines détectées dans le sang au moment du diagnostic. On parle de profil protéomique circulant ou de signature biologique.
Quel est l’objectif du projet ?
L’objectif du projet Métaglio est d’identifier une signature biologique issue du sang et capable de prédire la réponse au traitement. Cette signature cumulera de façon originale des paramètres d’ADN libre circulant et le profil des protéines circulantes chez une population de patients atteints d’un glioblastome.
Comment allez-vous procéder ?
Notre projet utilisera une collection de prélèvements de l’étude normande Glioplak qui a inclus, de 2015 à 2022, 245 patients atteints d’un glioblastome ayant reçu un traitement par radiothérapie et du témozolomide (Temodal®), pour lesquels nous disposons de toutes les données cliniques ainsi que des réponses au traitement. Du plasma avait été recueilli avant et après la radiothérapie, ainsi qu’à la rechute. Les plasmas sélectionnés seront analysés au sein de l’unité Inserm UMR 1245 en deux temps successifs : dans un premier temps pour extraire et caractériser l’ADN libre tumoral circulant ; puis dans un second temps pour caractériser le profil des protéines (protéome, métabolome) avant puis après la radiothérapie et à la rechute.
Les plasmas sélectionnés seront analysés au sein de l’unité Inserm UMR 1245 en deux temps successifs : dans un premier temps pour extraire et caractériser l’ADN libre tumoral circulant ; puis dans un second temps pour caractériser le profil des protéines (protéome, métabolome) avant, puis après la radiothérapie et à la rechute. L’ensemble des données issues de ces deux analyses seront ensuite corrélées au pronostic des patients.
Quelles perspectives pourrait-on espérer ?
Si l’on découvre une signature biologique qui prédit si le patient va bien répondre au traitement ou non, on pourra adapter le traitement en conséquence. Par exemple, les patients avec une prédiction de « mauvais répondeur » au traitement pourraient recevoir un schéma de chimiothérapie plus vigoureux que ceux identifiés comme « bon répondeur ». Cette médecine dite adaptative, basée sur la biopsie liquide, est en voie de développement pour d’autres types de cancer.
Les informations qualitatives fournies par l’analyse protéomique/métabolomique pourraient également faire découvrir de nouvelles cibles pour des traitements novateurs. En résumé, le projet Métaglio est la première étape d’un projet ambitieux de mise au point d’outils issus du sang de suivi personnalisé pour des patients atteints d’un glioblastome qui pourraient un jour permettre, je l’espère, d’améliorer la prise en charge de nos patients.
Je profite de l’occasion qui m’a été donnée par cette interview pour remercier chaleureusement l’ARTC et ses généreux donateurs de nous permettre d’avancer dans ce projet.