"Mon mari allait parfaitement bien. Nous étions encore en vacances, il y a trois mois. Est-on certain qu’il s’agisse du bon diagnostic ?"

La réponse du neuro-oncologue

L’annonce du diagnostic d’une maladie dont le pronostic est réputé sombre ainsi que son lourd traitement vont bouleverser la vie du patient et de son entourage. Qu’elle puisse susciter des interrogations des proches sur la certitude du diagnostic est compréhensible. Ce questionnement concerne plus souvent les patients peu symptomatiques, ayant par exemple fait une simple crise d’épilepsie révélatrice de la tumeur et se portant parfaitement bien par ailleurs.

  • Quand le patient développe un handicap et a fortiori s’il s’aggrave, lui et ses proches sont généralement préparés à l’annonce d’une maladie grave, quand le diagnostic de tumeur cérébrale maligne n’a pas déjà été évoqué explicitement après la réalisation de l’IRM cérébrale. Le médecin devra faire preuve de beaucoup de pédagogie et de tact pour expliquer la maladie, reprendre les éléments cliniques et les investigations du dossier qui ont conduit au diagnostic, expliquer les termes médicaux auxquels le patient et ses proches devront se familiariser. Cela leur permettra après le choc de l’annonce de se réapproprier leur histoire médicale, les événements s’étant souvent succédés trop rapidement pour bien comprendre ce qui leur arrivait. La consultation d’annonce infirmière qui suit de quelques jours l’annonce médicale contribuera à cette bonne restitution.
La réponse de la psychologue
  • La découverte d’un gliome survient dans des circonstances très variables. C’est parfois un “coup de tonnerre dans un ciel serein” : un individu dans la force de l’âge qui fait une crise d’épilepsie au travail ou dans la rue, qui le conduit à réaliser une IRM dans la foulée qui mènera à la découverte d’un gliome “cérébral”.

Parfois l’entrée dans la maladie est plus sournoise et c’est plutôt un comportement anormal qui s’accentue dans le temps à bas bruit : quelqu’un qui se renferme de plus en plus sur lui-même, parle moins, voire plus du tout, limite ses activités quotidiennes. Dans ce cas, d’autres diagnostics étant alors évoqués à ce moment, la réalisation de l’IRM peut être différée à tort.

  • Selon le mode d’entrée dans la maladie, la perception de la mise en place des traitements est différente : elle revêt plus de l’urgence dans le premier cas et le patient sera pris en charge en neurochirurgie après la réalisation de son IRM. Dans le second cas, les patients et leurs proches sont parfois passés par plusieurs spécialistes avant d’être adressés à un neuroradiologue ou un neurologue, ils ont donc parfois une sensation d’errance diagnostique, de perte de temps et donc de chances.
  • La consultation d’annonce est un moment particulier, c’est donc une consultation longue, où la présence d’un proche est toujours favorisée car beaucoup d’informations sont échangées à ce moment-là. L’organe atteint, ici le cerveau, induit parfois des troubles cognitifs (mémoire, attention, concentration), et du langage (expression, compréhension).

La présence du proche au côté du patient lors de cette consultation permet, du fait d’être deux, de sécuriser le discours médical qui pourra être répété au besoin au patient.

  • C’est notamment l’un des buts de la consultation infirmière qui suivra de quelques jours la consultation d’information médicale. Lors de la première consultation, il s’agit surtout de bien décrire le problème, ici un gliome, puis les solutions proposées : les traitements. Il convient de toujours s’assurer que si les questions viennent plus tard nous pourrons revenir sur cette partie plus descriptive.

"Comment se fait le diagnostic ?
Quelles sont les personnes impliquées ?"

La réponse du neuro-oncologue
  • Le diagnostic repose sur une analyse approfondie au microscope de la tumeur. Le tissu examiné peut être un échantillon tumoral obtenu par une biopsie cérébrale ou la tumeur en totalité quand elle a pu être retirée par le neurochirurgien.
    Le médecin anatomopathologiste utilise les critères internationalement reconnus de la classification de l’organisation mondiale de la santé (OMS) pour classer les tumeurs et grader leur degré de malignité.
  • Dans les cas complexes, une étude approfondie des anomalies présentes dans l’ADN des cellules tumorales est requise pour compléter l’analyse au microscope et préciser le diagnostic. Ces résultats sont toujours confrontés aux informations cliniques et radiologiques du patient et la moindre incohérence ou atypie conduit à une relecture des lames pour confirmation.
  • Il reste parfois des situations difficiles quand les prélèvements ne contiennent pas en eux les informations nécessaires pour conclure avec certitude au diagnostic, du fait de l’exiguïté de l’échantillon tumoral prélevé ou quand l’intervention chirurgicale est elle-même contre-indiquée.
    Le fait que le diagnostic, ainsi que la proposition thérapeutique, soient validés de façon collégiale par une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) composée de médecins experts va généralement dissiper les doutes.
  • Un deuxième avis auprès d’une équipe indépendante, demandé par le médecin référent ou à l’initiative du patient et ses proches comme ils en ont la possibilité, peut aussi y contribuer.

"Il va beaucoup mieux depuis l’opération.
N’en exagère-t-on pas la gravité ?"

La réponse du neuro-oncologue
  • Même quand le neurochirurgien a pu retirer toute la tumeur visible, l’ablation ne peut jamais être considérée comme complète à l’échelon microscopique en raison de la nature très infiltrante des cellules tumorales
    Il reste toujours des cellules tumorales qui ne sont pas nécessairement visibles à l’IRM et qui sont à l’origine des récidives qui assombrissent le pronostic.
  • On distingue schématiquement les gliomes de grade III (au sein desquels il y a les oligodendrogliomes et les astrocytomes) et les gliomes de grade IV, communément appelés “glioblastomes”, qui sont les plus graves et aussi les plus fréquents. Les gliomes malins, en fonction de leur grade de malignité et du profil d’anomalies moléculaires qu’ils présentent, répondent de façon très variable à la radiothérapie et à la chimiothérapie.
  • En outre, les gliomes malins sont responsables de symptômes neurologiques qui peuvent au cours de l’évolution être très handicapants en retentissant sur les fonctions intellectuelles et l’autonomie motrice, et en conséquence sur la qualité de vie des patients.
  • Il s’agit donc d’une maladie grave au pronostic incertain et il est important que les proches (dont la personne de confiance) sous réserve de l’accord du patient en soient informés.
La réponse de la psychologue
  • Le fait de nommer la maladie et d’annoncer à quelqu’un qu’il souffre d’un “gliome” ou d’une “tumeur cérébrale” précipite les patients et leurs proches dans une nouvelle réalité qui ne changera plus, même si elle leur reste pour l’heure, encore totalement inconnue et donc très effrayante.
  • A l’inverse, les patients qui auront pu s’entendre dire par le neurochirurgien “qu’il a tout enlevé” et a fortiori ceux qui n’ont pas de symptômes de la maladie, peuvent parfois douter de la nécessité des traitements complémentaires aux noms effrayants que sont la radiothérapie et la chimiothérapie.
  • Il faudra toute la pédagogie du neuro-oncologue dont l’objectif sera double : il doit faire comprendre le côté salvateur et protecteur des traitements agressifs, parfois perçus comme plus menaçants que la maladie dont ils sont asymptomatiques au moment où les traitements doivent être mis en place. Il doit aussi, tout en prenant soin de son patient, sans être brutal, lui permettre de hiérarchiser les menaces, le gliome malin étant la menace principale pour le futur.
  • Les premières questions abordent très souvent le caractère possiblement mortel de la maladie et le “temps qu’il reste à vivre”. En effet, une des premières informations qu’ils reçoivent est qu’on ne sait toujours pas guérir les gliomes malins, en revanche la médecine actuelle peut faire en sorte que les patients puissent vivre avec la maladie.
    Vient ensuite l’explication de l’objectif des traitements que les médecins vont proposer, qui est une rémission, la plus longue possible, mais pas de guérison car des rechutes seront toujours possibles. Se mettre d’accord avec les patients sur ce que l’on peut attendre des traitements fonde la relation de confiance et de sincérité nécessaire à une bonne prise en charge.
  • Il arrive souvent, au moment de l’annonce diagnostique d’un gliome, que les patients “filtrent” certains aspects de la consultation d’annonce et ne retiennent que les informations qui sont supportables au moment où on parle. Le diagnostic et les traitements sont entendus mais il arrive parfois que les informations qui ne sont pas nécessaires à un ajustement immédiat à la nouvelle situation, comme les informations liées au pronostic de la maladie, soient comme évacuées de la conscience.
  • On peut comprendre ce besoin, qui semble salvateur à court terme ; il permet d’agir sans être débordé par les émotions négatives générées par la mauvaise nouvelle. De fait, se voir annoncer qu’on souffre d’une maladie qui ne peut être guérie et dans le même temps recevoir des propositions de traitements peut plonger les patients dans un certain paradoxe.
"Pourquoi vivre tout cela ?"
"Quel objectif pour m’encourager et donner du sens à tout ceci ?"
  • La notion de qualité de vie est abordée à ce moment, de même que l’illusion de notre immortalité avec laquelle nous vivons lorsque nous sommes en bonne santé, nous disant toujours que nous pourrons faire tel ou tel projet “plus tard”. Nous pouvons discuter la façon dont nous représentons le temps qui passe pour nous, pour les autres, quand on perçoit une borne de fin.
    Nous discutons aussi les projets, ceux qui sont juste à différer, ceux qui doivent être adaptés, ceux qui vont naître de cette nouvelle situation, et ceux dont il faudra faire le deuil.
  • D’où l’importance d’ouvrir nos consultations aux proches pour que le discours soit entendu à plusieurs, et qu’ils puissent échanger entre eux ensuite. Ce sont souvent les accompagnants qui posent les questions pronostiques en dehors de la présence de celui qu’ils aiment.
  • Cette recherche d’information permet d’évaluer la situation pour le proche qui n’a pas le point de repère du vécu avec la maladie. Là où le patient mobilise ses forces pour entrer dans la phase des traitements, le proche mobilise toutes ses ressources et son énergie pour assurer tout ce qui est “à côté” de la maladie.

“On nous annonce le diagnostic de gliome malin ; est-ce un cancer ?”

La réponse du neuro-oncologue
  • Les gliomes malins, comme leur qualificatif l’indique, sont bien des tumeurs cancéreuses dont les cellules prolifèrent rapidement et qu’il faut rapidement traiter. Ils ont néanmoins la particularité par rapport aux autres cancers, de ne pas métastaser dans d’autres organes et de rester confinés au sein du système nerveux central tout au long de leur évolution.
  • Comme les autres cancers, ils se traitent par la chirurgie quand elle est réalisable sans risque, la radiothérapie et la chimiothérapie. Bien que ces derniers traitements soient bien connus dans la population générale pour être des traitements “anti-cancéreux”, beaucoup de patients les recevant ne pensent pas avoir un cancer.
La réponse de la psychologue
  • Le cerveau est le siège de notre identité, de toutes nos compétences et particularités qui font de nous ce que nous sommes. Les gliomes étant localisés dans le cerveau, l’annonce de ce type de maladie est toujours terrifiante. Les patients et leurs proches cumulent des peurs liées à l’atteinte du cerveau par une maladie neurologique et tous les handicaps qui y sont rattachés (le handicap physique, la perte de ses capacités, la perte d’autonomie, les troubles cognitifs avec l’idée de “se perdre soi-même”) auxquelles s’ajoutent les peurs associées à la maladie cancéreuse (perte de l’illusion d’immortalité, trahison du corps, précipitation vers la fin de la vie, deuils des projets).
  • Par ailleurs, la dénomination des traitements proposés aux patients, “radiothérapie” et “chimiothérapie”, rappelle la nature de la maladie en question. Le fait que nous soyons ici dans le cadre d’une maladie cancéreuse permet d’aborder l’intérêt des soins de supports et les moyens d’y accéder en ville comme à l’hôpital (psychologue, assistante sociale, diététicienne, socio-esthétique, activité physique adaptée (APA), association de patients…).
  • Ces propositions de soins, qui ne sont pas centrées directement sur la tumeur mais sur la qualité de vie du patient avec sa maladie, se sont multipliées et diversifiées depuis le premier plan cancer dans les années 2000.

“Nos enfants peuvent-ils être atteints ?”

La réponse du neuro-oncologue
  • La maladie n’est pas contagieuse et les formes héréditaires sont très rares. On retrouve un antécédent dans la famille dans moins de 5 % des cas, sans que l’on puisse écarter l’hypothèse d’une simple coïncidence dans un certain nombre de cas, lorsque par exemple deux membres liés au second degré sont atteints mais qu’aucune altération génétique dont la transmission héréditaire est connue n’a pu être mise en évidence en analysant leur génome constitutionnel.
  • Cependant, certaines maladies héréditaires rares et bien identifiées comme la neurofibromatose ou le syndrome de Li Fraumeni peuvent prédisposer au développement de gliomes malins ainsi qu’à d’autres cancers.