
LA PAROLE AUX CHERCHEURS LAURÉATS 2025 – Prédire le risque de développer un méningiome
Karim Labreche est ingénieur de recherche à l’Institut du cerveau et responsable opérationnel à CINBIOS (plateforme de bio-informatique, Sorbonne Université). Son expertise réside dans l’analyse et l’interprétation des données génétiques pour apporter des réponses à des questions médicales.
Dans quel contexte s’inscrit votre projet ANDROMEDE ?
Les méningiomes sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes. La plupart sont bénignes, mais elles peuvent être responsables de sévères handicaps. Depuis plusieurs années, un médicament hormonal a été mis en cause dans leur apparition : l’Androcur (acétate de cyprotérone). Ce traitement, utilisé chez l’homme pour traiter le cancer de la prostate, a été très largement prescrit en France chez les femmes comme cosmétique pour traiter la pilosité, mais aussi l’endométriose, ou même comme contraceptif. Or, les études ont montré que l’Androcur augmentait de vingt fois le risque de développer des méningiomes après plus de cinq ans de traitement. Face à cela, les autorités de santé ont restreint les prescriptions.
Pourquoi toutes les personnes exposées ne développent-elles pas la maladie ?
C’est la grande question ! Nous avons constaté que certaines patientes, après plusieurs années de traitement, n’avaient aucun méningiome, tandis que d’autres en développaient plusieurs, parfois très agressifs. Cela suggère que le risque n’est pas seulement lié au médicament, mais aussi à des facteurs individuels. Des cas familiaux observés confirment l’idée qu’il existe une prédisposition génétique. Autrement dit : l’Androcur agit comme un déclencheur, mais seules certaines personnes, génétiquement plus « vulnérables » (prédisposées), développent la tumeur.
Quel est donc l’objectif de votre projet ANDROMEDE ?
Notre objectif est d’identifier les facteurs génétiques qui augmentent le risque de méningiome après exposition à l’Androcur. Pour cela, nous allons comparer l’ADN de deux groupes : le premier, constitué de personnes exposées à l’Androcur ayant développé un méningiome, et le second, de personnes exposées mais indemnes. Ces comparaisons permettront d’identifier les variants génétiques qui augmentent le risque, puis d’étudier leur rôle biologique dans l’apparition des méningiomes.
Quelles sont les perspectives pour les patients ?
Elles sont triples : d’abord mieux comprendre les mécanismes biologiques par lesquels l’Androcur déclenche certains méningiomes ; ensuite, prédire le risque en mettant au point un test génétique pourrait aider à évaluer la sensibilité d’un patient avant toute prescription d’un traitement hormonal similaire ; enfin, en découvrant quelles voies cellulaires sont impliquées, nous pourrons trouver des médicaments ciblés, qui viendront compléter la chirurgie.
Un dernier mot pour les donateurs ?
Je souhaiterais remercier l’ARTC et ses donateurs du fond du coeur pour leur confiance et leur soutien. Je n’oublie pas non plus que j’ai été un ancien boursier de l’ARTC au début de ma carrière, et que cette association a été déterminante dans mon engagement dans la recherche sur les tumeurs cérébrales.